L’Encyclopédie

Par Arlette Auduc, conservatrice en chef honoraire, correspondante pour le Patrimoine et l’Architecture au Comité d’histoire, membre du comité de pilotage du programme HEnsA20*

 

Au fur et à mesure du développement du projet au cours des six dernières années, son originalité, la masse des connaissances acquises, l’implication des chercheurs et des partenaires ont amené le comité de pilotage à réfléchir à une publication finale qui synthétiserait au mieux le chantier mené. Très vite, l’idée d’une encyclopédie s’est imposée : ses multiples entrées permettraient de traiter des sujets soulevés au cours de la recherche, d’assurer la participation d’un nombre maximum de chercheurs et d’écoles, sans avoir à imaginer une synthèse que cette première approche d’un sujet encore largement inédit rendait impossible.

Il a fallu déterminer les sujets à traiter, leurs différentes approches, tout en étant le plus complet possible, déterminer les spécialistes à qui faire appel, multiplier les allers-retours entre chercheurs, corriger, amender, « sans cesse sur le métier remettre notre ouvrage ».

La liste des futures notices à peu près stabilisée, le choix d’un éditeur était un point crucial. Après plusieurs consultations, l’éditeur Locus Solus s’est imposé par la qualité du rendu proposé et le projet de couverture confié au graphiste et affichiste Alain Le Quernec.

Restait à trouver des financements. Tous nos partenaires ont été sollicités. Le soutien jamais démenti du Comité d’histoire et sa participation financière ont sans doute aidé à la mobilisation autour de cet ambitieux projet. Au final, la direction générale des patrimoines et de l’architecture du ministère, l’Académie des Beaux-arts, des écoles d’architectures, des DRAC ainsi que des associations se sont jointes au tour de table.

Sur le plan scientifique, un comité de lecture large assure la répartition des notices et leur relecture ainsi que les échanges avec l’éditeur.

Le projet est complexe : comment écrire une histoire de l’enseignement de l’architecture en France au XXe siècle qui en aborde toutes les dimensions, qu’elles soient pédagogiques, professionnelles, territoriales ou politiques, et qui embrasse l’ensemble des établissements qui l’ont délivré sous une forme ou sous une autre ?

Une logique thématique a d’abord guidé nos recherches. Des thèmes qui recoupent les sujets à traiter ont été déterminés :

  • Les établissements : nous souhaitions élaborer le panel de tous ceux dans lesquels un enseignement de l’architecture a été dispensé au XXe siècle, revenir sur leur histoire, les contenus des enseignements donnés, le nombre de professionnels formés et, autant que faire se peut, évoquer les débouchés offerts aux diplômés
  • L’enseignement et la pédagogie, ce qui imposait de revenir sur les méthodes d’enseignement de l’architecture et leurs évolutions en cernant les invariants, les évolutions et les ruptures, les outils conceptuels et matériels, les publications et les formes d’apprentissage qui, définies et stables avant 1968 (comme les concours), ont connu un foisonnement par la suite (comme le développement d’exercices)
  • La recherche : nous voulions évoquer son développement au sein des écoles, ses liens avec l’enseignement, d’une part, et avec la recherche universitaire, d’autre part, mais aussi tenter d’élaborer une cartographie des laboratoires en revenant sur les sujets de recherches qui ont été développés, les formations post-diplôme proposées, tout comme les filières recherche ou professionnelle
  • Les lieux de l’enseignement de l’architecture en insistant sur ce que les dispositifs spatiaux ont engagé de spécifique dans le domaine de la pédagogie ; une place particulière est accordée aux locaux de l’École des beaux-arts et aux écoles qui ont été construites à cette fin
  • Les figures enseignantes et étudiantes, dont il s’agit d’éclairer l’évolution démographique, mais aussi celle des origines sociales, des nationalités et des genres. Il s’agit de revenir sur les liens entretenus entre le corps enseignant des Écoles et celui de l’enseignement supérieur, leur groupement en associations ou syndicats. La pratique des élèves a elle aussi été observée, dans ses cadres, ses modalités et jusque dans son jargon et son folklore qui, pendant longtemps, ont été mêlés à une histoire de l’enseignement de l’architecture
  • Les relations et échanges internationaux : nous souhaitions en effet évoquer le rayonnement de l’enseignement des Beaux-arts à l’étranger mais aussi l’apport de pédagogies venues d’ailleurs. L’accent est mis sur les contenus de l’enseignement et les figures ayant permis le développement de ces échanges.
  • Enfin, le dernier sujet a trait à la profession et interroge le rôle et l’impact qu’elle a eu au fil du temps sur l’enseignement, mais aussi les relations directes et indirectes entre le monde professionnel et l’enseignement (en agence par exemple), les débouchés et les formes d’exercice, libéral ou salarié, ainsi que les groupements professionnels.

Ces grandes entrées ont permis d’esquisser, au fil des mois, l’armature de L’Encyclopédie en dressant une cartographie d’entrées qui offrent aux lecteurs une approche globale des thématiques abordées au cours du XXe siècle.

Pour privilégier la continuité et souligner les récurrences et les résurgences sur le long XXe siècle, un parti pris a été de traiter l’ensemble des notices de l’Encyclopédie d’un seul trait sur la période retenue : 1903-2005. Nous mobilisons néanmoins ce qui est nécessaire à la compréhension de cette histoire dans des temps plus anciens et développons le propos jusqu’à mordre dans le XXIe siècle. L’histoire des établissements, présentés sous leurs intitulés actuels d’École nationale supérieure d’architecture, remonte en effet le plus souvent aux écoles régionales d’architecture, mais également à des établissements nés au cours du XIXe siècle, parfois du XVIIIe.

Concernant les effets de rupture que les évènements de 68 ont pu engendrer, les choses ont sans doute été moins systématiques, sauf lorsque de nouvelles orientations firent leur apparition telle que la recherche qui impliqua sans doute des évolutions pédagogiques. Nous avons également fait le choix d’éviter les notices biographiques ; les figures sont citées dans les notices et identifiables grâce à un index augmenté en fin d’ouvrage.

Ces principes établis, il fallut ensuite délimiter le calibre des notices. Le projet est guidé par une vision hiérarchisée de la diversité des sujets qui sont abordés, traités avec une ampleur allant de l’article à l’essai (de 1 500 à 20 000 signes), en fonction de l’amplitude chronologique de l’objet étudié ou du phénomène décrit, et classés selon l’ordre alphabétique. Comme dans toutes les encyclopédies et dictionnaires culturels, une lecture transversale est encouragée : des notices d’ensemble offrent une première approche balayant de nombreux sujets et renvoient à d’autres notices plus détaillées et complémentaires.

La liste des notices a évolué jusqu’à se stabiliser : l’encyclopédie compte 320 notices parmi lesquelles une trentaine de notices fantômes, c’est-à-dire qui ne donnent pas lieu à des développements spécifiques mais guident le lecteur par un système de renvoi. Elles sont rédigées sans appel de note et sans intertitres, et sont chacune constituées d’un corps de texte suivi d’un pavé contenant quelques références bibliographiques propres au sujet traité ainsi que des notices de renvois. Ces pavés ne sont ni systématiques ni exhaustif, mais répondent essentiellement à une logique géographique. Il sera par exemple proposé au lecteur ayant consulté la notice « ENSA de Nancy » de poursuivre en consultant celle relative à l‘architecture de l’édifice qui l’accueille, sous l’intitulé « Nancy, le bâtiment de l’ENSA (1992-1996) ».

Ces notices ont été confiées à près de 110 contributeurs, spécialistes des sujets abordés, qu’ils soient chercheurs aguerris ou jeunes doctorants. Cette diversité reflète le riche vivier des participants aux neuf séminaires HEnsA20 organisés depuis 2016. Nous tenions en effet à solliciter celles et ceux qui ont participé au programme. Des chercheurs étrangers ont par ailleurs été mobilisés pour leurs compétences sur certains sujets.

Cet ouvrage, intitulé L’Architecture en ses écoles, une encyclopédie de l’enseignement de l’architecture au XXe siècle, rendra ainsi compte d’un vaste effort collectif et permettra de livrer un très large état des connaissances sur l’histoire de l’enseignement de l’architecture au XXe siècle. Il soulignera, bien sûr, la part prépondérante qu’occupa l’École des beaux-arts de Paris dans l’histoire de la formation des architectes, mais reviendra largement sur les écoles régionales et révèlera une diversité d’établissements parfois méconnus, comme l’ « École départementale d’architecture de Volvic » ou l’ « École des Hautes Études de Tianjin », évoquera des projets restés à l’état de papiers, comme les « les projets de Compiègne, Tours, Dijon (1997) ». Il sera aussi l’occasion de dresser une histoire de l’évolution des « outils » propres au dessin de l’architecture, depuis le graphos jusqu’à l’outil informatique ou encore d’évoquer la présence et l’influence de certains groupes et réseaux sur l’enseignement, qu’ils soient rattachés à des tendances politiques ou religieuses.

Composé de près de 4 millions de signes, soit 760 pages environ, l’ouvrage comprendra une introduction générale qui explicitera notamment les limites chronologiques de cette histoire et les choix éditoriaux, les 320 notices illustrées par une riche iconographie de près de 750 images, une chronologie en annexe qui reprendra les temps forts de l’évolution de l’histoire de l’enseignement au XXe siècle, une bibliographie générale ainsi qu’un index des noms. L’ouvrage sera par ailleurs scandé par des portfolio d’images qui permettront de valoriser notamment des travaux pédagogiques, dont des dessins d’élèves inédits. Il sera tiré à 1500 exemplaires, pour un prix de vente de 49 euros. Une version numérique sera également accessible.

 

Au moment où le ministère de la Culture développe sa stratégie nationale pour l’architecture visant à renforcer les ancrages scientifiques, professionnels et territoriaux des écoles, cet ouvrage à caractère historique veut offrir des clefs pour apprécier l’actualité en cherchant l’origine des savoirs et savoir-faire mobilisés pour les transformations quotidiennes de notre cadre de vie. Destiné aux étudiants en architecture comme aux enseignants, aux novices comme aux professionnels, cet ouvrage veut éclairer les éléments constitutifs d’une culture liée à la formation des architectes en différents établissements et différentes périodes, et à l’évolution des pratiques qui y sont liées.

Sa parution est prévue pour l’automne prochain mais, en attendant, le travail continue, et on ne peut que remercier chaleureusement celles et ceux qui apportent leur contribution à ce projet.

*Merci à Amandine DIENER qui a bien voulu me confier le texte de son intervention au colloque final d’octobre 2021 et qui assure avec intelligence et efficacité la coordination de l’Encyclopédie.

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