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Séminaire histoire du Centre Georges Pompidou ” Les sciences sociales à Beaubourg” intervention de Nathalie Heinich

” Les sciences sociales à Beaubourg” intervention de Nathalie Heinich – 6 mai 2025

Mon témoignage sur les sciences sociales au Centre Pompidou porte sur la période où j’y ai travaillé, durant les années 1980. Mes commanditaires ont été trois services administratifs différents : la Direction administrative et financière (Serge Louveau), le Service Liaison/adhésion (Claude Fourteau) et la Direction des études de la BPI (Jean-François Barbier-Bouvet).

            Concernant la DAF, l’enquête (non diffusée, à usage interne) sur les publics du CGP m’a été confiée à partir de 1981, après une première enquête réalisée peu après l’ouverture par Pierre-Michel Menger et Jean-Louis Fabiani sous la direction de Pierre Bourdieu, qui était alors le premier et principal spécialiste des inégalités d’accès aux musées. Une réédition avait été confiée au mathématicien Henri Berestycki, beau-frère de Serge Louveau – mais les syndicats s’en étaient émus. D’où mon recrutement, assez hasardeux, à l’occasion d’une rencontre fortuite, peu après ma soutenance de thèse sous la direction de Bourdieu – recrutement que j’avais dû accepter faute de ressources financières, en dépit de ma totale absence d’expérience des enquêtes statistiques. En 1981 je me suis fait aider par Henri Berestycki pour la rédaction du cahier des charges informatiques et la réalisation sur place de l’enquête, ainsi que pour l’analyse des résultats et l’élaboration du rapport final, tandis que je prenais en charge la rédaction des questions et la formation des enquêteurs et des codeurs. Lors de sa réédition en 1983 puis en 1986 j’ai bénéficié d’un statut un peu plus conforme aux règles administratives grâce à l’association ADRESSE que j’avais créé entretemps avec Yann Darré. Ces enquêtes seront ensuite interrompues puis confiées à un organisme extérieur, sans que je sois sollicitée pour assurer la continuité – ce qui soulève le problème de la mémoire de l’institution… 

            A l’occasion de l’enquête de 1983 j’ai été sollicitée par Pierre Chevallier, alors chargé de mission au CGP, pour réaliser une enquête qualitative (également non diffusée, à usage interne) beaucoup plus légère, destinée à mieux comprendre le rapport des publics à l’espace du CGP, les problèmes d’orientation, la réalité des circulations entre les différentes offres, la signalétique, etc. Basée sur l’interrogation directe, sur place, d’un échantillon contrasté d’une trentaine de visiteurs, elle m’a permis d’expérimenter une méthode compréhensive que je réutiliserai souvent par la suite. Malgré la présentation brouillonne du rapport (à l’époque on travaillait encore à la machine à écrire, et je n’avais bien sûr pas de secrétariat), elle a donné lieu à une « Note à l’attention de M. Dominique Bozo » de Jean-Jacques Aillagon (document joint), avec des préconisations concrètes, qui illustrent bien les bénéfices qu’une administration peut tirer de l’exploitation d’un travail d’enquête sociologique.

            Mon travail pour le service Liaison/Adhésion s’est fait en deux temps : en 1983, une enquête sur les adhérents (non diffusée, à usage interne) réalisée avec Yann Darré, consistant en une analyse quantitative de questionnaires ; et, en 1984, une petite étude sur l’image de Kafka (« Kafka vu par vous », diffusée aux adhérents), reposant sur l’analyse qualitative des réponses aux questions insérées dans la brochure adhérents à l’occasion de l’exposition « Kafka ».

            Enfin, mon travail pour le service des études de la BPI s’est fait en deux temps. Tout d’abord, en 1985, j’ai réalisé une étude sur la réception de l’exposition « Les Immatériaux », commandée et payée par l’association EXPO-MEDIA/PEUPLE ET CULTURE et diffusée par ses soins, et consistant en une enquête qualitative par observations et entretiens. Ensuite, en 1986, Michael Pollak et moi-même avons proposé et obtenu le financement par le MNAM et la BPI d’une enquête sur la production et la réception de l’exposition « Vienne, naissance d’un siècle », basée sur des questionnaires et entretiens, des observations et des statistiques (diffusion Editions du CGP-BPI : Vienne à Paris. Portrait d’une exposition, 1989).

            L’histoire se termine avec mon entrée au CNRS en 1986 et le départ de Jean-François Barbier-Bouvet, à qui la direction du CGP avait refusé la création d’un département des études et recherches élargi à l’ensemble du Centre et plus seulement à la BPI : projet qui aurait permis de faire du CGP un haut-lieu de la recherche en sciences humaines et sociales sur les musées, associant sociologues, anthropologues, psychologues, historiens, philosophes… Hélas, cette occasion a été manquée.

            Au moins aurai-je en partie appris mon métier grâce à ces très riches heures de la sociologie à Beaubourg durant ses dix premières années…

 

Voir le programme du séminaire ” Les cinquante premières années du Centre Georges-Pompidou : bilans et perspectives” [2024-2025] en cliquant ICI


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
chmc4 (17 juin 2025). Séminaire histoire du Centre Georges Pompidou ” Les sciences sociales à Beaubourg” intervention de Nathalie Heinich. Politiques de la culture. Consulté le 19 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/1455r