L’école gratuite de dessin de Rouen était-elle une école d’architecture ?
Par Frédéric Morvan-Becker,
ENSA Bretagne, GRIEF

Fig. 2 – Jean-Baptiste Descamps, Page de titre de son « Discours sur l’utilité des écoles gratuites de dessin en faveur des métiers », primé par l’Académie française, 1767.
Au sens où nous l’entendons aujourd’hui, l’école fondée à Rouen par Jean-Baptiste Descamps en 1740 (Fig.1), et qu’il a dirigée jusqu’à sa mort en 1791, en pleine Révolution, n’est pas une école « nationale supérieure » d’architecture. Cependant la question conserve toute sa pertinence dans le contexte des Lumières et d’une politique nationale engagée par le pouvoir royal en faveur des métiers, et en particuliers de ceux dépendant du dessin. J’ai en effet montré, aussi bien dans mon diplôme d’architecture (Rouen, 1987) que dans ma thèse de doctorat en Histoire (Paris VIII, 2010, accessible en ligne), que l’école royale, gratuite et publique de dessin de Rouen est le modèle expérimental de toutes les écoles de dessin en France et au-delà, y compris de celle de Bachelier à Paris, et que l’enseignement élémentaire du dessin, utile pour tous, et sur lequel il serait trop long de revenir, était complété par des classes supérieures de peinture, de sculpture et d’architecture (Fig. 2).
Si Descamps était suceptible d’enseigner les rudiments et de conduire la classe de peinture – seul domaine dans lequel Diderot a un peu d’indulgence pour lui – il s’adjoint dans les années 1760 deux de ses anciens élèves, Marin Nicolas Jaddoulle pour la sculpture, Jean-Baptiste Le Brument (1736-1806) pour l’architecture. Formé lui-même au dessin à l’école gratuite, le jeune et unique professeur d’architecture a pu profiter du réseau parisien de Descamps (Marigny, Cochin, Soufflot) pour effectuer un « stage » chez ce dernier avant de revenir à Rouen reprendre une charge d’expert juré des bâtiments. Il ne faudrait encore une fois pas jeter un regard faussé sur cette fonction de « professeur », Le Brument accueille simplement quelques élèves parmi les plus doués, qu’ils ont pu repérer avec Descamps, au sein de son agence, la principale de la ville. Ils ne sont donc pas exactement scolarisés mais reçoivent une formation pratique enrichie par les cours académiques sous l’égide de l’académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Rouen. C’est ainsi que Jean-Jacques Lequeu, fils de menuisier, élève de l’école, devient le principal collaborateur de Le Brument, avant de rejoindre à son tour la capitale dans l’espoir de pouvoir devenir architecte. Las, il n’en a rien été puisque l’élève le plus connu de Descamps (exposition « Jean-Jacques Lequeu, bâtisseur de fantasmes » au Petit Palais à Paris, 2018-2019) est resté toute sa vie un « excellent » dessinateur, employé dans les diverses agences des services publics – ni un architecte raté ni un artiste maudit comme veut nous le faire croire cette exposition récente. Je vais revenir plus loin sur cette nouvelle division du travail qui distingue clairement l’architecte de ses collaborateurs et qui seule justifie une formation provinviale des « techniciens » (Fig. 3).

Fig. 3 – Jean-Jacques Lequeu, « Monument à la gloire de Louis XVI », prix d’architecture de l’école gratuite de dessin de Rouen, 1778 (coll.part.)
Descamps lui-même dresse le bilan de son école en 1788 (lettre à Desfriches, directeur de l’école de dessin d’Orléans) :
Vous et moi, mon ami, nous avons vu ce corps [les Ponts et Chaussées] aujourd’hui si instruit et si supérieur, nous l’avons vu bien faible ; grâce au vrai mérite de mon confrère et ami M. Perronet, on y a formé et fait choix d’excellents sujets. J’en ai fourni plusieurs de mes élèves : M. Brémontier, ingénieur en chef de Bordeaux en est un ; M. Perronet, de notre académie des Sciences, étant à Rouen, en voyant le prix composé de génie en architecture du nommé Godefroy, le reçut sur le champ comme élève avec 80 l. par mois. Aussi, plusieurs élèves dans le génie militaire et sans forfait des premiers ingénieurs de construction dans la marine, sept ou huit architectes à Paris, dont un, M. Couture, le jeune architecte du roi. Sept de l’Académie royale de Peinture savoir : M. Bellengé [Michel-Bruno, peintre de fleurs, académicien en 1764 comme Descamps] peintre né à Rouen ; Strenge [Sir Robert Strange, agréé en 1764] graveur né à Edimbourg en Écosse ; Houël [agréé en 1764] né à Rouen ; Barbier [J. J. F. Le Barbier, peintre d’histoire, reçu en 1785] né à Rouen ; Monier [A. C. G. Lemonnier] né à Rouen ; Lavallée Poussin [reçu en 1788] né à Rouen ; Legillon [Jean François, reçu « dans le genre des animaux et du paysage, manière flamande », reçu en 1788] né à Bruges en Flandre ; ces deux derniers ont été agréés le 28 juin cette année ; le même jour le sieur Ducoudrais, en arrivant de Rouen, a reçu une 3e médaille d’après nature ; quatre élèves à Rome ; un architecte [Guillaume Édouard Allais, dit Le Carpentier] qui en arrive que j’avais formé et envoyé sans s’arrêter à Paris, de Rouen à Rome trois mois après ; il remporta le premier prix de Parme. Je ne vous cite pas les élèves morts, non plus ceux qui sont sur le chemin de l’Académie ; c’est pour vous dire que l’école de Rouen a formé plus d’artistes que toutes les académies du royaume. J’excepte sûrement l’Académie royale de Paris. J’avais toujours nommé mon école gratuite de dessin ; cette modestie sied si bien et ne m’a pas empêché de faire des bons élèves. Enfin notre ami M. Cochin vient de m’écrire et me donner la qualité de Directeur de l’Académie des arts du Dessein de Rouen.[1]
À Rouen, il ne fait pas de doute que les architectes de la seconde moitié du XVIIIe siècle sont très différents de leurs prédécesseurs, tant par le statut que par la formation, et que l’école de Descamps a joué un rôle essentiel dans cette mutation. En effet, parmi les « architectes » les plus actifs avant 1750, on trouve principalement des maîtres sculpteurs ou maçons, ou des architectes parisiens comme dans toute grande ville de province pour les projets de prestige (Blondel, Gabriel…)… à l’exception notable de Rouen. C’est le cas en particulier de Jean-Pierre Defrance (1694-1768), auquel succèdera Jean-Baptiste Le Brument. Lors de son mariage en 1718, il est en effet qualifié de maître peintre doreur sculpteur ; fils de tourneur, Defrance était sculpteur en bois mais les différents métiers n’étaient pas distingués à l’intérieur de leur communauté. À sa mort, il est qualifié d’architecte expert juré des bâtiments, priseur et arpenteur pour la ville et baillage de Rouen, office qu’il avait acquis au début des années 1730. Il était en effet passé des travaux de sculpture et de décoration pour les églises (contretables, fonts baptismaux, autels, etc.) à l’architecture elle-même. Tout à la fois entrepreneur, sculpteur et architecte, Defrance a reçu une formation traditionnelle et certainement acquis dans l’atelier une bonne maîtrise du dessin puisqu’il produit nombre de projets tout au long de sa carrière[2].
Dans la seconde moitié du siècle, la plupart des architectes qui sont chargés de chantiers importants à Rouen sont issus de l’enseignement administré par Descamps, très vite conseillé puis secondé par des architectes formés par lui au dessin[3]. Si ces architectes sont assez facilement repérables, il n’en est pas toujours de même de leurs collaborateurs, qu’ils soient eux-mêmes anciens élèves de l’école de dessin ou non. La formation des architectes suivait en effet les mêmes principes que l’apprentissage traditionnel, c’est-à-dire qu’elle s’effectuait au sein des agences dans lesquelles les architectes « maîtres » employaient et formaient des « élèves ». Les tâches principales des élèves étaient le dessin, essentiellement au trait (rendu des projets, détails pour les entrepreneurs, coupe des pierres et des bois pour l’appareillage), mais également le suivi des chantiers. Cette formation pratique pouvait être enrichie par des compléments théoriques puisés dans la littérature spécialisée (traités sur les ordres tous inspirés de Vitruve, traités plus techniques concernant la charpente comme celui du Rouennais Fourneau, etc.), ou par le relevé de monuments remarquables, à Rouen pour les moins favorisés, à Paris et exceptionnellement en Italie pour les plus chanceux ou les plus fortunés. À Paris, la mise en place d’un enseignement « académique » de l’architecture par l’académie royale d’Architecture à partir de 1671 ne trouve son parfait accomplissement que dans les années 1740 avec Jean-François Blondel. C’est au même moment que l’école de dessin de Rouen propose à son tour un complément théorique identique à l’échelle provinciale, que l’on retrouvera par la suite aussi bien à Bordeaux, Montpellier, Marseille, Lyon, Tours, etc.
Certains des architectes et dessinateurs d’architecture anciens élèves de Descamps que j’ai pu identifier présentent un grand intérêt par la diversité de leur formation, c’est ainsi qu’on les trouvera également dans le domaine des Ponts et Chaussées ou dans celui des procédés de reproduction ; d’autres se rattachent par leur carrière au secteur des manufactures, qu’ils en soient les bâtisseurs ou même les entrepreneurs ; d’autres enfin s’illustrent dans le secteur plus traditionnel de la construction et, au moment de la Révolution, dans celui de la spéculation foncière en vue d’opérations urbaines. Ces derniers constituent à Rouen le bureau des architectes experts jurés du roi, charge qui seule leur permet de porter le titre professionnel d’architecte, les distinguant ainsi des maîtres maçons entrepreneurs mais aussi de leurs collaborateurs qui conservent un statut de dessinateurs, comme Grain, Mullart ou Pottier. Ils sont également loin du prestigieux service public des Bâtiments et de son académie. Parmi les maîtres d’œuvre formés à Rouen, dont certains font carrière à Paris : Bouet, Delafosse, Gilbert, Guéroult, Pretrel. D’autres encore consacrent une part importante de leur activité à l’enseignement de l’architecture, comme Le Brument et Vauquelin à Rouen ou encore Malhortie et Bénard à Paris.
Si l’école joue un rôle de premier plan dans la formation des architectes, elle n’est pas moins essentielle dans la formation de l’ensemble des corps de métiers qui composent un spectre plus large : charpentiers et menuisiers, ébénistes et sculpteurs, maçons et appareilleurs, plâtriers et couvreurs, auxquels s’ajoutent tous les spécialistes de la décoration, y compris les peintres, et constituent le premier bassin de recrutement de l’école. Il ne fait pas de doute que la qualité des travaux réalisés à Rouen dans la seconde moitié du siècle s’est ressenti d’une élévation générale du niveau de ces artisans, tous placés sous la responsabilité d’un maître d’œuvre.
Le « service public » des Bâtiments du roi est un réel débouché pour les élèves de Descamps. Si l’école de l’Académie royale d’Architecture donne accès pour les architectes du roi à des emplois « publics » dans ses Bâtiments, il n’en va pas de même pour le très grand nombre des collaborateurs employés par cette même administration sous l’Ancien Régime, et qui dépend du ministère de l’Intérieur pendant la période révolutionnaire, puis des Bâtiments civils. Qui sont-ils ? Comment sont-ils formés ? Comment travaillent-ils ? Les destins des André Barabé, Jean-Jacques Lequeu, Pierre Bénard, Nicolas Malhortie et autres Jean-Charles Krafft, tous formés à Rouen, ont mis en évidence la condition de ces dessinateurs d’architecture employés par l’État et, en poussant plus loin l’investigation pour mieux comprendre leurs parcours professionnels, j’ai fait également apparaître un groupe tout aussi éclairant de supposés ou prétendus « architectes » qui se sont avérés être, pour la plus grande partie de leur vie professionnelle, tout comme Lequeu, des collaborateurs dans des bureaux d’architectes du roi : Guillaume Édouard Allais, les frères Couture, Alexandre Dufour (avec Fontaine), Toussaint Noël Loyer, Louis Jacques Mullart, Pierre Nicolas Pottier pour ne nommer parmi les Rouennais que ceux qui sont bien documentés.
On pourrait avancer l’idée d’un trompe-l’œil de l’architecture, tout comme pour les beaux-arts, car les conditions respectives des concepteurs et des exécutants sont bien différentes ; la division du travail n’est pas ici un concept, mais une réalité quotidienne. Il n’est donc pas inutile de dresser un tableau détaillé de cet univers pour mieux situer ces techniciens de l’architecture. C’est là qu’il faut chercher cette nouvelle catégorie socioprofessionnelle, celle des dessinateurs qui prendront le nom de « techniciens » (formation technique supérieure, condition intermédiaire dans un travail divisé, salaire médiocre), et que les écoles gratuites de dessin contribuent à former. On constate, tout au long du siècle, la prise de conscience par ces dessinateurs de leur propre statut au sein du service public, la « technicisation » et la « professionnalisation » étant la source de nombreuses frictions et revendications. Une crise dont les échos résonnaient déjà dans les années 1940 chez Pevzner, dans sa thèse sur les Académies d’art, une relecture recommandée.

Fig. 4 – Claude-Nicolas Cochin, « École de dessin », gravure illustrant l’article « Dessein », Encyclopédie, Planches, volume XX, 1773.
Pour conclure, j’aimerais laisser la parole à Le Brument qui tente en vain de conserver cet enseignement de l’architecture à Rouen après la mort de Descamps. Il s’oppose au fils du peintre, peintre comme son père, qui sera lui-même évincé. Héritage contre mérite, c’est toute l’équation révolutionnaire. Certains mots résonnent de manière très contemporaine, en particulier sur la difficulté de recruter de bons enseignants…
Mémoire manuscrit de Le Brument (« Réflexions sur l’école de dessin de la ville de Rouen par le citoyen soussigné, adressées à MM. les administrateurs du département de la Seine inférieure ») :
Dans ce moment est vacante la place d’un professeur dont je ne cesserai de révérer la mémoire. Dans l’état actuel des choses, on doute que l’Académie, agissant d’après ses statuts et règlements ait eu et ait encore le droit d’y nommer aux places des écoles départies à sa surveillance. On craint que les différents éléments des sciences enseignées dans l’école de Rouen ne le soient pas d’une manière assez complète par un peintre professeur unique : sur ces doutes, tout homme impartial ne pourra disconvenir que les élèves de cette école seraient incontestablement beaucoup mieux surveillés et mieux instruits si on y admettait à l’avenir autant de professeurs qu’elle a comporté de classes jusqu’alors. Mais aussi tout homme juste aimera à croire que les corps administratifs ne voudront jamais qu’elle soit divisée sans concilier dans les changements à faire les égards dus au fils du créateur de cette école, avec les services importants que son digne père a rendus à la cité. D’après ces principes, j’oserai donner mes vues sur la meilleure administration de l’école du dessin, et suivant le vœu général je la diviserai en trois classes qui auraient chacune un professeur particulier.
Examinons la composition de cette école et de ses classes.
D’abord les professeurs à augmenter, pour être bien choisis, doivent être pris parmi les hommes qui ont fait preuve de talent, et s’il y avait impossibilité d’en agir ainsi, il faudrait user de la voie des concours car ceux-ci seront à jamais l’unique magie propre à les découvrir dans les sociétés.
Le dessin est sans contredit la base des études des jeunes personnes qui se destinent à la peinture, la gravure, la sculpture, l’architecture et aux divers arts qui en exigent la connaissance. Il peut être enseigné par un peintre ou par un sculpteur; or l’un comme l’autre pourraient tenir concurremment une pareille école tour à tour, par semaine ou par mois ainsi qu’on le croirait plus convenable. Dans cette école les élèves apprendraient en commun 1° à copier 2° à dessiner d’après la bosse et d’après le modèle vivant. Le travail commencerait à six heures jusqu’à huit tous les jours ouvrables comme par le passé. Les deux professeurs auraient le droit d’inspecter les élèves, celui de poser la bosse et le modèle, chacun pendant leur service exclusivement, et les vacances seraient supprimées.
Hors les instants employés à l’étude du dessin, il y aurait trois classes ouvertes où seraient reçus les élèves qui se destineraient à la peinture, à la sculpture et à l’architecture, aussi toute l’année et sans vacance.
Il y aurait dans ces classes des professeurs qui en prendraient soin chacun séparément, c’est-à-dire que le peintre comme le sculpteur gouvernerait les élèves de leur genre.
Dans une autre classe, par un architecte seraient pareillement enseignés l’architecture avec ses éléments, pratique de la géométrie, de la stéréotomie, de la perspective et de la mécanique : l’heure destinée à l’étude de ces sciences précéderait celle de l’école commune pour le dessin. cette classe serait ouverte les dimanches et les fêtes pour la commodité des ouvriers. Pendant l’année, les leçons du dessin seraient continuelles comme dans les classes des sculpteurs et peintres.
On y donnerait des leçons particulières du trait sur la coupe des pierres et des bois pour les assemblages en charpente et en menuiserie et encore pour leur apprendre à lever des plans, même la carte. On leur donnerait aussi sur les différents bâtiments et monuments les plus dignes de former le bon goût des démonstrations soit sur la précision de leur exécution, soit sur la majesté des formes, la beauté de leurs profils et la convenance des ornements. On aurait soin, sur cette multitude d’objets, de leur en faire remarquer les perfections ou imperfections. dans des conférences on leur citerait souvent les ouvrages qui ont éprouvé des écueils, leurs causes et les moyens de les éviter. Ces leçons formeraient à la fois le jugement des élèves dans la pratique et la théorie de cette science. Lorsqu’ils seraient avancés, on leur enseignerait la méthode de faire les devis et les détails estimatifs, le toisé des ouvrages du bâtiment; on leur démontrerait les abus qui y règnent maintenant.
Avec ces connaissances les architectes n’induiraient plus dans des dépenses qu’ils ne peuvent [pour] la plupart apprécier; on ne dirait plus “qui bâtit ment”. Lors de ces leçons, les propriétaires pourraient les partager pour se prémunir contre les dangers de l’astuce des ouvriers, les supercheries de leurs diverses façons de toiser, ce qu’on rendrait sensible et palpable par des exemples. On offrirait, par des démonstrations, à leur intelligence le choix des matières nécessaires à la construction des bâtiments. On traiterait du chapitre des servitudes, connaissance sans laquelle on plonge trop fréquemment les propriétaires dans des contestations ruineuses. Ces diverses leçons seraient distribuées par le professeur selon les moments les plus favorables aux exercices des uns et des autres, et pour une plus grande utilité, elles seraient sommairement annoncées tour à tour par la voie des journaux de la cité.
Des prix à la fin de chaque année et le concours des places tous les mois serviraient à nourrir et entretenir dans les élèves cette émulation sans laquelle il est difficile de surpasser ses semblables dans la même carrière.
Ces prix seraient jugés par les professeurs concurremment avec les commissaires nommés par l’Académie en présence du public et sous la présidence des corps administratifs. Les professeurs auraient soin de garder le secret des noms des auteurs de chaque production, ou des concurrents.
Il y aurait pour l’école du dessin trois prix, un pour la nature, l’autre pour la bosse, et le dernier pour copier.
Dans la classe pour la peinture, il y en aurait deux, un pour copier et l’autre pour l’histoire, il en serait de même dans la classe pour la sculpture.
Dans la classe des architectes, il y aurait 1° prix de composition 2° un pour copier le dessin 3° un pour le trait en pierre, un 4° pour la coupe des bois et un 5° pour la menuiserie.
Dans les années où le défaut de concurrents empêcherait la distribution de ces prix, la somme en serait appliquée à l’achat de modèles et autres meubles utiles pour l’instruction des élèves.
Chaque professeur ferait les frais de sa classe et des médailles dont le poids serait fixé par les corps administratifs. Les autres frais du modèle, du charbon et de la lampe pour la classe commune du dessin seraient payés par les professeurs par tierce partie ou au marc la livre de leurs appointements, et aucuns ne pourraient recevoir présents ou autres gratifications de la part des élèves, à peine d’être destitués de leurs places.
En combinant les peines et les soins qu’auraient les professeurs de ces écoles gratuites, on déterminera si leurs salaires peuvent être uniformes, car il est aisé de préjuger quelles seraient les classes les plus fréquentées. On sait que les hommes se portent naturellement soit d’inclination soit par conseils aux états qui paraissent leur présenter un plus grand champ d’occupations et surtout vers ceux qui tiennent évidemment le premier rang dans les besoins de la vie.
D’après ce principe, la classe commune du dessin serait par goût toujours la plus nombreuse, elle recevrait à la fois les élèves en peinture, sculpture, architecture et cette multitude d’artistes si nécessaires à tous les différents genres de fabriques de ce département.
signé : J. B. Le Brument sd (1792) ADSM L 1173
[1] Paul Ratouy de Limay, Un Amateur orléanais au XVIIIe siècle, Aignan-Thomas Desfriches (1715-1800), sa vie, son œuvre, ses collections, sa correspondance, etc. Paris, H. Champion, 1907, lettre de Descamps à Desfriches, 1788, avec des conseils pour Orléans et à propos des Ponts et Chaussées, p. 96.
[2] Sur le métier, et la séparation entre maçons entrepreneurs et architectes, Beaurepaire reste la meilleure référence sur les architectes de Rouen.
[3] À l’exception des frères Thibaut, « architectes » entrepreneurs tant au Havre qu’à Rouen, dont nous n’avons pas pu retracer l’itinéraire de formation.
[Sommaire]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
chmc2 (25 novembre 2019). L’école gratuite de dessin de Rouen était-elle une école d’architecture ? Politiques de la culture. Consulté le 15 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/mrmq